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L’apprentissage d’une langue ne peut se faire sans adhésion
à la culture qui lui sert de substrat. Les Romains de la classe
équestre et de la classe sénatoriale, après avoir conquis la Grèce
apprenaient le grec, car tout Romain qui se voulait « cultivé »
ne pouvait ignorer la langue d’Homère et d’Hésiode, de Planton
et d’Isocrate, d’Eschyle et d’Euripide... Aussi, Jules César
et Antoine, Pompée et Brutus, Cicéron et Caton… étaient-ils,
selon Plutarque, de in connaisseurs de l’attique. Les Grecs, en
revanche, bien que conquis par les Romains n’apprenaient pas
le latin, quelque fut leur classe sociale. Ils considéraient le latin
comme une langue utile, pas comme un véhicule de culture. Ce
n’est donc pas tant la puissance militaire, politique et économique
d’une nation qui impose sa langue que le rayonnement
de la culture qui lui sert de substrat.
Mais de quelle culture parlons-nous qui donne envie
d’apprendre une langue ? Jusqu’aux années 90, la pédagogie
préconisée pour l’enseignement des langues consistait à présenter
les grands auteurs et des extraits de leurs principales oeuvres,
par exemple : Victor Hugo, Baudelaire, Sartres, Camus,
Saint-Exupéry… Plus récemment, sous l’inluence des théories
de la réception (JAUSS, 1990 ; ISER, 1985) qui considèrent
tout acte de lire comme une interaction entre le lecteur et le
texte, mais aussi des théories de l’interculturel (DEMORGON, 2015), qui considèrent que toute rencontre avec une culture
mobilise notre culture personnelle, l’enseignement des langues
interroge la dimension interculturelle de l’apprentissage.
En psychologie de l’apprentissage, nous pouvons en
puiser le fondement dans la théorie de Jean Piaget de l’assimilation,
accommodation, équilibration (XYPAS, 1997). Dit simplement,
pour assimiler un nouveau savoir, y compris une nouvelle
culture, l’apprenant doit l’intégrer à ses savoirs existant, de
façon à leurs donner du sens, bref, à les rendre plus structurés et
plus cohérents et ainsi, à les rendre opératoires. Il est donc fondamental
que l’apprenant accommode les nouveaux éléments
au fond culturel déjà existant. L’opération que Piaget désigne
comme accommodation consiste à les rapprocher et à les comparer
aux éléments existants, puis, ain d’enrichir, de nuancer
ou d’écarter certains, en connaissance de cause, c’est-à-dire en
dépassant ses préjugés et ses stéréotypes. Or, l’accommodation
ne peut se faire sans efort, sans travail intellectuel ! Si le sujet
ne réussit pas cette accommodation, où s’il refuse de s’y lancer,
que ce soit par manque d’intérêt ou par paresse, il n’y aura pas
de nouvel apprentissage.
C’est le manque d’investissement dans l’accommodation
qui peut expliquer le cas d’élèves qui ont suivis des cours
de langue étrangère pendant de nombreuses années, sans jamais
l’apprendre vraiment. J’en connais qui ont suivis des cours
de français langue étrangère pendant six ans, à raison de deux
heures par jour, sans vraiment l’apprendre, mais réussissaient à
passer, chaque année, à la classe supérieure en répondant « mécaniquement
» (par mémorisation) aux questions posées lors des
examens. De même, lors de séjours linguistiques en Angleterre,
nous avons été témoins de nombreux jeunes de diverses nationalités
qui se regroupaient par ainité langagière (les Suisses
Alémaniques avec des Suisses Alémaniques, les Grecs avec des
Grecs, les Espagnoles avec des hispanophones, etc.). Bien loin
de pratiquer l’anglais, objet principal de leur séjour linguistique. Mais en quoi consiste la dimension interculturelle dans
l’apprentissage des langues et quelles en est la spéciicité ?
Pour répondre à cette question, le livre est structuré en
cinq chapitres. Le premier s’intitule « Représentations et didactique
de l’enseignement de langues (dites) étrangères ». Il est dû à
Rosalina Chianca, professeure à l’Université Fédérale de Paraíba
e ancienne présidente de l’association brésilienne des professeurs
de français. Elle y éclaire les concepts centraux de culture, de
représentation, de stéréotype et, bien entendu, d’interculturel.
Le second chapitre, « Didactique du FLE et sa dimension
interculturelle : application au Brésil » est rédigé par Roxane
Giraudot, titulaire du master de didactique du français langue
étrangère de l’Université de Toulouse II. Elle y présente, en tant
que Française professeure du FLE à des Brésiliens trois aspects
qui présentent des diicultés à ses étudiants : socio-culturels,
prosodiques et grammaticaux.
Le troisième chapitre étudie l’exploration didactique de
manuels de FLE, notamment de MOBILE (A1 et A2) de 2012.
Rosiane Xypas, professeure à l’Université Fédérale de Pernambouc,
présente des pistes didactiques à partir d’éléments du paratexte du
manuel, tel que les titres, les photos, les couvertures, etc.
Au quatrième chapitre, Constantin Xypas, Professeur
Visitant à l’Université de l’État de Rio Grande du Nord, présente
une comparaison sociologique entre la France et le Brésil.
Interrogeant les travaux de Pierre Bourdieu, il y montre
que la réussite scolaire des enfants issus de parents pauvres et
semi analphabètes et, par conséquent, leur promotion sociale
jusqu’aux statuts de médecins, avocats, professeurs d’université…
est plus fréquente au Brésil qu’en France. L’explication
réside dans les systèmes de valeurs diférents des familles, des
professeurs et des deux sociétés.
Enin, le cinquième et dernier chapitre constitue une
ouverture vers l’anthropologie culturelle. Il est signé par Simone Aubin et Ludovic Aubin, elle professeure de FLE à l’Université
Fédérale de Pernambouc, lui sociologue à la même université. Il
s’intitule « L’univers initiatique dans Vendredi ou les limbes du
Paciique, de Michel Tournier ». Les auteurs relèvent deux éléments
centraux dans toute initiation : 1. La puriication : jeûne,
veille, solitude, éloignement du monde profane ; 2. Le choix du
lieu : la symbolique du centre, la présence imposante de la nature
et la pénombre du lieu de l’initiation. Qu’en est-il de l’enseignement/
apprentissage d’une langue étrangère ? Retrouve-ton
des éléments analogues ? C’est au lecteur d’établir le rapport.
Le livre que vous tenez en main est le fruit d’une collaboration
de six chercheurs dans le cadre du Grupo de Estudos
Franceses de Aquisição de Língua e Literatura (GEFALL), animé
par Rosiane Xypas. Son but, dans cet ouvrage est d’éclairer
la dimension interculturelle en didactiques des langues étrangères.
Il s’adresse en priorité aux professeurs et aux étudiants de
français langue étrangère (FLE). |
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